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La Musique ou l’école de l’excellence

Posted in C'était mieux avant, Petit trip zerbibien with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on décembre 18, 2009 by cecilezerbib

Oyé les gens !

Dis-donc ! Je suis toute jouasse aujourd’hui. J’ai reçu de bonnes nouvelles. Le genre de nouvelle qui ne peut s’empêcher de vous dessiner (même de force) un sourire sur le visage. Si vous tentez de le réprimer, de le coincer, pour que les autres ne se rendent compte de rien, il y a toujours vos yeux qui vous trahissent. Se couvrent d’un voile d’étoiles scintillantes. Et personne n’est dupe. On sait que vous êtes heureux. Le pire dans cette histoire, c’est que c’est une nouvelle qui ne me concerne pas du tout. Mais alors, pas du tout. Dès que j’y pense, les multiples trous de mes joues se réveillent de concert.

Un ami est devenu un père. Rien que d’énoncer cette phrase me donne un étrange sentiment. Impossible à définir. Mais je vous rassure les gens : très positif. Comme je n’aime pas trop être dans le trouble et incapable de poser des mots sur ce que je vis, j’ai recherché ce qu’était « être un père ». Dans le dictionnaire. Juste pour voir. « Géniteur ». « Celui qui a engendré un ou plusieurs enfants ». Oui évidemment. Mais je ne crois pas ce soit cela qui me créé de l’émoi. Ah attendez ! « Ce qui est la source, l’origine »… C’est beau non ? Mon ami est à l’origine d’un nouvel être humain. Il est une des pièces maîtresses de la fabrication d’une personne. J’ai du mal à l’assimiler. Pour moi créer des êtres humains, c’est un truc de personnes plus âgées. Pas de personnes de mon âge. C’est le truc de mes parents. Je pense que c’est le point sur lequel je manque incontestablement de maturité. Ce dont je suis assez fière car cela me permet de garder une certaine capacité d’émerveillement…

J’ai trouvé autre chose. Alors, ça va être la minute culture du jour. On respire à fond et on se bouche le nez. Balzac, qui est un auteur que je déteste et dont je n’ai jamais réussi à finir un bouquin (je vais finir par vous pondre un article sur les milliards de livres que j’ai lu mais JAMAIS sur ce mec. JAMAIS !), a écrit ce que je souhaite profondément à mon ami. J’ose espérer qu’il pourra faire de cette phrase la sienne. Je le cite avec toute la déférence possible. Ok je le hais mais c’est quand même Balzac. Un type qui est capable de te pourrir la scolarité de la 6ème jusqu’au BAC avec une telle véhémence, c’est une institution. Un peu comme Proust. L’avantage de Proust, c’est que c’est rarement enseigné avant la Première. On a quelques années de répit avant de supporter ça. Revenons à notre ami mort mais néanmoins plus fort que le Prozac (oui on ne peut pas conduire non plus lorsqu’on a lu du Balzac). Il disait donc, dans Le Père Goriot (rien que le titre est terrible) :

« Ah! c’est moi qui suis l’auteur de ta joie, comme je suis l’auteur de tes jours. Les pères doivent toujours donner pour être heureux. Donner toujours, c’est ce qui fait qu’on est père »


… ça claque le beignet. Oui c’est une chouette expression. Synonyme de « ça coupe la chique », « ça en bouche un coin » ou encore « ça scie les pattes ». Balzac. Père Goriot. Peut-être que mon ami va l’obliger à lire ce bouquin. Pauvre petite. Enfin, ça pourrait être pire. Les parents pourraient lui faire faire de l’accordéon. Ou du clavecin. Un instrument que personne ne veut toucher. Même pour rire. Nous les louveteaux Zerbib, nous avons été initié au piano. Activité très rentable par rapport à la guitare ou à la flûte traversière. Un piano a plein d’avantages. Déjà ça fait un instrument pour trois. Un produit pour le prix de trois. Mes parents ont toujours eu le sens des affaires. Et puis c’est décoratif un piano. Si vous le prenez assorti à votre mobilier, c’est toujours de très bon goût. Je crois que c’est à partir de ce moment-là que nous avons commencé à devenir des petit-bourgeois de banlieue chic. Nous, les louveteaux Zerbib allions à l’école de musique comme les petits chrétiens à la messe le dimanche. Sauf que nous, c’était le samedi. Nous avions une professeure très gentille. Elle portait des tailleurs aux couleurs passées, vieux rose et à carreaux. En laine. Même l’été. Elle ne sentait pas mauvais mais le vieux livre de bouquiniste. La naphtaline. Sa peau semblait comme un parachute en fin de saut. Et de velours. Un duvet de poils blonds et nombreux.  Trait particulier : avait peur de jouer en public lors des auditions. Avec le recul, je pense que c’est parce qu’elle jouait probablement comme une patate. « Faire quelque chose comme une patate » est également une très bonne expression dans la mesure où elle n’est ni vulgaire ni insultante. Elle est pleine de bon sens. On n’a jamais vu une pomme de terre faire quelque chose de significatif. Ça ne fait rien une patate. Tout ça pour dire que nous avions une professeure… Un peu moyenne. C’était une petite école. Il n’y avait que deux professeures de piano classique. La nôtre et… une autre. On va l’appeler Madame D. Pour ne pas entacher sa mémoire. Parce que j’imagine qu’elle est morte.

Ben quoi ? Elle devait bien avoir 115 ans à l’époque. Cette Madame D., très étrangement, je n’en ai aucun souvenir visuel. Je n’ai que sa voix dans la tête. Et les légendes urbaines qui circulaient. Certains la considéraient comme la meilleure. Pour paraphraser une maman d’élève : « Avec Madame D., la musique, c’est l’école de l’excellence ». Mes parents ne voulaient pas que nous excellions. Incontestablement. Parce qu’eux, comme nous d’ailleurs, avions peur de Madame D. Comme je vous le disais plus haut, je ne peux pas vous faire de description. Pour moi, Madame D., c’est une voix. Comme les croassements d’un corbeau. « Recommence !! ». « Non ! ». « Recommence !! ». « Travaille ! ». « Encore ! ». Mais aussi, des déplacements de tabouret… Elle prenait la place de l’élève avec énergie. Et le morceau balbutié, massacré, indolent devenait un torrent de notes. Se transformait en corps dans l’espace. Magique. Magnifique. Effrayant. La grande légende urbaine la concernant était qu’elle frappait ses élèves. Personnellement, aucune preuve. Mais ses élèves pourraient attester qu’elle cognait les bras des maladroits avec sa grosse bague en or massif. Toujours au même endroit. Punition. Hurlement. Souffrance. Pour atteindre l’excellence. Peut-être que cela en valait la peine. Encore une fois, je ne sais pas. C’est un choix à faire. Un choix de parent. Un choix de père. Je souhaite à mon ami de faire celui qui lui semble le plus adapté et le plus juste.

… Pas très délire mon article aujourd’hui. Mille excuses. C’est promis, la prochaine fois, je vous raconterai ma matinée à la Chambre de commerce et de l’industrie. Ou mes visites au CNC. Pour nous, les organisateurs de tournage, c’est un peu des blagues à Toto à raconter. Pas une fois où on se pointe là bas et où tout se passe normalement. Impossible. A croire qu’il y a un règlement pour emmerder l’assistant de production. Il faut déjà passer par l’accueil. Généralement, le type vous demande votre carte d’identité. La regarde avec une certaine attention. 9 secondes, ça n’a pas l’air comme ça, mais c’est long. C’est très long. D’autant plus si vous êtes déjà en retard au rendez-vous qu’on a bien voulu vous donner. Après il vous regarde. Encore 5 secondes… Ok, vous savez quoi ? On va s’arrêter là. Je vous réserve un petit cocktail pour la prochaine fois. Oui c’était encore un teaser. Que voulez vous que je vous dise ? Moi je travaille et aime le cinéma.

A très bientôt les gens,

Restez frais. Mais surtout désirables.

C.P.A.