Archive pour rêve récurent

La fabrication de rêves artisanaux

Posted in Petit trip zerbibien with tags , , , , , , , , , on février 24, 2010 by cecilezerbib

Bonjour les gens !

Aujourd’hui, mercredi. Jour des enfants. Jour du défilé de la nouvelle collection hebdomadaire cinématographique. Jour numéro 3. Jour Médaille de Bronze. Jour du dernier temps de la valse. Jour de la fameuse « bascule » des travailleurs. La « bascule » est une bien chouette expression dans la mesure où elle fait du mercredi le point médian de la semaine. En image, voilà ce que cela donne :

Lundi serait symbolisé par le petit Boucle d’Or à grosses fesses, de dos. Vendredi serait la petite blondinette de face. Blondinette à bandeau. Pas toujours à bandeau. Parfois à couettes. A tresses. A queue de cheval. A demi-queue. A cheveux lisses. A cheveux blonds blancs à la lumière du soleil d’été. Blondinette répondant à un prénom de blondinette. A un prénom de princesse.  Princesse à robe rose. Princesse à diadème en plastique. Elodie. Marie. Annabelle. Blondinette à visage fin et régulier de future Miss France destituée. Destituée car le vieil abat-jour noir et blanc n’apprécierait sûrement pas d’apprendre que les premiers pas sur scène de sa protégée n’ont pas été faits lors de représentations scolaires déguisée en ours polaire mais sur le podium boule à facettes du Stringfellows et d’autres « charmants » clubs de la Capitale. Entre Boucle d’Or et Miss Pole dance, une armature verte. Plante de métal qui permet le balancement frénétique. L’amusement. La joie. Et éventuellement, le mal de mer. Le retournement d’estomac. Le passage des visages du blanc au vert en passant par le bleu et le violet. La flaque de vomi. Armature verte centrale. Auteur de l’équilibre comme du déséquilibre. A l’origine de la bascule. Indiquant le début de semaine. Ou la fin. Armature verte comme un mercredi.

… Tout ça pour dire que nous sommes mercredi et que pour atteindre la copine de Pigalle, il va falloir patienter un petit peu. Quelques années. L’idée étant que vendredi ait au moins 18 ans. Question de principe. De sens moral. Et de volonté de ne pas être poursuivi pour détournement de mineur. Mais cela n’est pas notre sujet du jour. D-ieu merci.

Mercredi est un excellent jour pour vous parler de mon rêve récurrent. Ou plus précisément de vous expliquer comment il l’est devenu. Une histoire révélant une fois de plus que mon goût pour la blague de mauvais goût peut me jouer des tours. Comme lorsque j’ai fait croire à un de mes anciens patrons que j’avais été conviée à une soirée où l’héroïne coulait à flot. Enfin, pas exactement. Contexte. Mon patron voulait que l’équipe déjeune ensemble une fois par mois. Ce « moment » devant nous permettre de « créer des liens » et de « devenir une famille ». Très bonne définition de ce repas. Repas de famille. Repas avec des gens  qu’on ne choisit pas mais qu’on est obligé de supporter envers et contre tout. Bref. Volonté « corporate » du patronat auquel je plie. Tout le monde parle. Tout le monde discute. Tout le monde donne son opinion. Sur tout. Sur rien. Sur la politique. Sur le cinéma. Sur la meilleure manière de travailler. Sur l’organisation de la société. Sur les loisirs. Sur les détentes. Sur les soirées. Sur l’alcool. Sur la drogue. Dernier sujet sur lequel ils semblent être intarissables. Cocaïne. Opium. Absinthe. Cannabis. Ils ont tout essayé. De vrais kamikazes de la vie. Leurs propos me semblant complètement surréalistes, j’imagine qu’ils plaisantent. Je décide donc de me mêler à leur délire. En exagérant. Pour rire. Je raconte donc une soirée à laquelle j’ai assisté et durant laquelle les seaux à champagne étaient remplis d’héroïne à aspirer à l’aide de grandes seringues offertes à l’entrée avec la consommation. Et là, le choc : tout le monde me croit. Me regarde avec un regard inquiet. Se disant probablement que je reviens de loin. Hoche la tête en n’osant pas m’interroger sur l’enfer de la désintoxication à la plus terrible des drogues. Moi héroïne triomphant de l’héroïne. Je comprends avec 10 minutes de retard que leurs récits à eux étaient vrais. J’ai honte. Mon ex-patron ne m’a plus jamais regardé avec les mêmes yeux. D’où « ex » patron peut-être. Je ne sais pas.

Mais revenons au rêve récurrent en question. Encore une fois, c’est ridicule. Nouveau contexte. Appartement parisien. Superbe. Sentant le luxe et le 7000€ de loyer par mois. Soirée avec quelques amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis… Tant et si bien que les derniers amis accompagnant les amis des amis des amis des amis des amis des amis des amis des amis étaient des amis à moi. Réseau social comme un cercle au diamètre extensible à l’infini. Comme un collant. Un élastique. Un ballon offert par Ronald Mac Donald. Dans ce flot opaque et dense d’amitié, un jeune homme que je connais bien. Un jeune homme esthétiquement intéressant. Joli. Qui sait doser la quantité de parfum à porter. Ce qui est très rare. Jeune homme qui serait probablement assorti à tous les trucs de ma petite vie personnelle. Assorti à moi. Comme le rouge avec le noir. Le noir avec le blanc. Le blanc avec le rose. Le rose avec le… Je ne sais pas. Une couleur qui irait bien avec le rose. Peu importe. Disons, pour résumer, que j’en aurais bien fait l’acquisition. Du jeune homme. En tout cas, à l’époque. Reprenons. Le jeune homme était au loin et me saluait dans un grand sourire. Comme je suis une imbécile, j’en fais autant. Et ne bouge pas. Une personne normale en aurait profité pour s’approcher et tenter « quelque chose ». Moi non. Trop peur que ça fonctionne. Pour être sûre que cela n’arrive pas, je ne fais rien. En apparence. Par contre, je réalise de petites translations jusqu’à la personne visée. Personne visée qu’on se plaît désormais à appeler « cible » ou « target » pour les anglophones. Ou pour ceux qui veulent avoir l’air anglophone. Cela peut prendre des heures. Des heures. Car les translations sont minuscules. Parfois même je ne parviens pas à atteindre le but. Ce jour-là, j’ai eu de la « chance ». Le garçon devait probablement s’ennuyer avec ses amis. Amis qui quant à eux n’étaient pas les miens. Bien qu’ils puissent le devenir. Ne sait-on jamais. Il quitte leur compagnie et marche vers moi. Au ralenti. Le cheveu aéré qui flotte dans les airs. Le regard balayant l’espace avec assurance. Le sourire qui fait faner les filles sur son passage. Moi, comme je suis fortement embarrassée, je fais celle qui n’a pas vu qu’il venait. Et me jette sur la première grappe de personnes qui me tombent sous la main. Des amis d’amis. Des « vus de loin ». Résultat : je suis encore plus embêtée. Parce que passée le traditionnel « Salut, ça va ? », je n’avais plus rien à dire. Rien. Et l’autre qui arrive à 2 mètres à l’heure. Que j’attends avec impatience. En essayant d’en avoir le moins l’air. Compliqué tout ça… Au bout de ce qui me semble être une bonne demi-heure, il arrive à bon port (c’est moi le bon port…). Sans se presser. Avec une nonchalance qui se veut naturelle. Mais qui ne l’est pas. Je sais ce qu’est la nonchalance car je suis née comme ça. C’est comme si vous tentiez de vous faire passer pour un indien en vous mettant des plumes dans les cheveux. Bonjour. Salut. Ça va. Et toi. Qu’est ce que tu racontes. Ben rien de spécial. Et toi. Ben ça va… Bla. Bla. Bla. Très intéressant. Puis finalement, au bout de quelques heures, relâchement. Généralement sur un canapé. Ou sur un balcon. Tout dépend de la saison. Là, c’était sur un canapé car hiver venteux. Jeune homme et moi. Discussions. Blagues. Plaisanteries. Sourires entendus. Un verre. Deux verres. Trois. Quatre. Et ainsi de suite. Nos deux têtes qui tournent un peu. Un manque d’habitude évident de part et d’autre. Tant mieux. Rapprochement. Rires. Les affaires vont bon train. Sauf que. Oui, sauf que. Votre serviteur est bizarre. Elle a une tendance à avoir une attitude suspecte lors des « premiers contacts » avec les « XY ». Et par conséquent, à laisser sortir de sa bouche tout ce qui a envie d’en sortir. Des conneries. Beaucoup. Enormément de conneries. Des 35 tonnes de conneries. De la connerie comme s’il en pleuvait. Exemple concret ? Pendant que le garçon au dosage de parfum parfait me racontait des anecdotes vacancières (dans lesquelles je ne me trouvais pas… Ce qui revient à regarder les photographies d’un mariage auquel vous n’avez pas été invité. Aucun intérêt…), je me disais plusieurs choses :

1/ « Il serait beaucoup plus attractif avec une barbe de trois jours »… Vu de près, le garçon a la peau lisse qui brille. Ancien boutonneux probablement. Un côté Ken. Sauf que moi, je ne suis pas Barbie.

2 / Pourquoi j’arrive à anticiper tout ce qu’il me raconte ? Est-ce que je suis vraiment surpuissante ? Est-ce qu’il est vraiment super inintéressant et prévisible ? J’étais assaillie par un insupportable sentiment de « déjà-vu ». La conversation. Le lieu. Notre légère et commune ivresse. Tout. Tout avait déjà été vécu une fois. Deux fois. Peut-être plus… Et je décide de lui dire. Voilà ce que ça a donné :

Moi : Bizarre… J’ai l’impression qu’on a déjà eu cette conversation…

Lui : Ben non. On ne s’est jamais parlé autant.

Moi : Je veux dire que j’ai une impression de déjà-vu.

Lui : Ah. Ça va veut dire que tu t’ennuies ?

Moi (penchant la tête de côté… Pas bête. Il a peut-être raison, je dois m’ennuyer un peu) : Non pas du tout… Mais ça ne t’est jamais arrivé d’avoir l’impression d’avoir déjà vécu une conversation. Un moment. Je ne sais pas. Des trucs.

Lui : non.

Moi : Ah.

Lui : C’est comme quand on se souvient d’un rêve ?

Moi (je suis sciée, je ne pensais pas qu’à presque 30 ans quelqu’un ne sache pas ce qu’est un « déjà vu »… C’est comme d’ignorer l’existence de la baignoire ou le mode d’emploi d’une brosse à dents!) : Euh… Je ne sais pas.

Lui (qui, définitivement bourré, s’avère être un type très lourd. Et moi je n’aime pas trop ça les types très lourds) : Alors ça fait quoi ?

Moi (sentant une enclume se poser sur mon front et un marteau le pilonner au rythme de chaque seconde égoutté) : Ouais c’est comme un rêve.

Lui (avec un regard de dragueur de drive-in des années 60 qui est à deux doigts de me faire hurler de rire. Ou d’agacement. J’oscille entre les deux…) : Alors, en gros, t’as rêvé de moi.

Moi (pour me débarrasser… Oh mon D-ieu, l’erreur… NE JAMAIS DIRE A PERSONNE QU’ON REVE D’ELLE. JAMAIS !) : Voilà.

Je pose mon sourire par défaut sur la table basse pour clore la conversation. Le sourire par défaut est celui qu’on  utilise sur les photographies de documents officiels ou de famille. Sourire bouche entrouverte. On doit y voir les dents. Mais pas trop. Sourire par défaut s’acquérant avec l’exercice. Et avec les ans. J’ai personnellement acquis le mien en 2008. Je le sais car c’est à partir de là que j’ai commencé à avoir la même expression faciale sur toutes les photographies. Sourire par défaut comme un tic. Comme un automatisme. Comme l’appui du « on » sur la cafetière à peine réveillée. Comme la fermeture de la porte de la maison avec le rituel de la vérification en appuyant fortement sur la poignée. Pour vérifier. Dans le doute. Sourire par défaut. Sourire par habitude.

Le jeune homme se tourne vers la grappe de jeunes gens installés derrière nous. Des amis communs qui faisaient semblant de ne pas nous écouter parler. Il leur signale que j’ai rêvé de lui. Ce à quoi il rajoute un clin d’œil salace. Mon sourire par défaut est accentué. Commence à ressembler à une grimace. Espère lui faire comprendre d’arrêter d’insister. Mais non. Il continue. Et prend le groupe de nuisibles à témoin.

La question qui tue : Et il se passait quoi exactement dans ton rêve ?… La question qui est probablement sensée me faire rougir.  Un regard par en dessous plein de sous-entendus. Etcetera. Etcetera. Tentative d’embarras. Devant public qui plus est. On voit bien qu’il ignore que le show est ma partie. Je vais en faire des copeaux. Oui, je suis revancharde. Et ce n’est même pas mon pire défaut. A cette question idiote, j’ai deux solutions qui s’offrent à moi :

1/ Je rentre dans son jeu et déballe des détails bien crades. Pas mon option préférée. Car trop attendue. Relevant d’une provocation prouvant que vous êtes prête à mettre le couvert (ou à passer à la casserole… Ou au four… A votre convenance !) après le duel. Pas mon cas. La lourdeur du garçon me pesant comme l’ingestion d’un tiramisu maison après une pizza 5 fromages.

2/ L’attaque surprise. Celle que la personne ne peut pas voir arriver. Option qui nécessite d’avoir un certain sens de l’imagination mais surtout (et c’est le principal) de l’improvisation. Heureusement pour moi, j’ai été à bonne école et peux inventer tout et n’importe quoi en quelques secondes. La preuve :

Moi : Ben en fait, dans mon rêve on ne faisait rien.

Lui (avec un haussement de sourcils dédaigneux. Se voulant très séducteur à borsalino. Raté !) : Evidemment…

Moi : Ce n’était pas une question d’envie.

Lui : ?

Moi : Le problème c’est que dans mon rêve… T’étais mort.

(5 secondes de blanc. Très peu de gens supportent les longs silences laborieux. Moi j’aime bien. Je ne le lâche pas du regard. Il est comme un gnou dans la mâchoire d’un lion. Nota Bene : cet article est écrit au rythme d’un documentaire de la chaîne « Animaux ». Ceci explique la métaphore…)

Lui : Oh… Mais euh… J’étais mort comment ? (Voilà qu’il me prend pour un médium cet imbécile heureux)

Moi : Aucune idée. T’étais déjà en boîte.

(Je ne pensais pas qu’un jour la prononciation du mot « boîte » provoquerait une telle réaction chimique chez une personne… Le jeune homme se dégonflait sur le canapé comme un vieux matelas pneumatique de randonneur)

Lui : Dans la boîte… Et t’étais à mon enterrement ?

Moi : Oui j’étais la seule. Personne n’était venu. J’ai même appelé ta mère qui ne voulait pas venir car elle avait trop de travail.

(D’accord, je reconnais que la dernière phrase fait de moi une merde humaine. J’ai honte. Je mérite l’enfer. Ou de suivre un an d’une tournée de Lorie. Au choix. L’enfer ?)


… Bref. Les amis curieux sont retournés à leurs conversations. Le jeune homme m’a fui. L’œil torve et inquiet. Tout le reste de la soirée, j’ai marché le pas triomphant. J’ignorais encore que cette méchante farce de peste allait me suivre jusqu’à présent. Jusqu’à maintenant. Le rêve de l’enterrement est devenu mon rêve récurrent. A la moindre rencontre, le jour même, le rêve. Vous tous, les amis, y avez séjourné quelques minutes. Dans la fameuse boîte. Moi appelant vos mères trop occupées à travailler, faire de la couture, amener les enfants à l’école, finir une partie de scrabble, coincées par une grève de RER, etc. (oui ! Vous ne pouvez pas imaginer les excuses pourries de vos mamans !!). Moi regardant vos noms gravés en or dans une dalle de marbre. Entre deux chênes. Toujours le même cimetière. Celui de Bagneux. Où le Zerbib Sépharades est fort bien représenté. Toujours le même vent sifflant « Oh When the saints » dans les branches. Toujours le même rituel de fin : je me lave les mains à la fontaine. A la pompe verte à poignée rotative dorée. Eau à portée du plus énergique coup de manivelle. Eau explosant en geyser et imbibant mes baskets de toile rouge. S’infiltrant insidieusement  dans mes chaussettes. Mes mains lavées à l’eau froide pour sortir du cimetière. Du rêve. De ce monde sans vous. Rêve que j’ai écrit consciente. Rêve que j’ai fabriqué pour serrer le cœur d’un maladroit à moitié saoul. Rêve que j’ai bâti hâtivement comme un château de sable qui se serait avéré plus solide que prévu. Rêve qui existait sûrement depuis longtemps dans ma tête. Flottant comme un nuage. Nuage dans lequel j’aurais fait exploser des tonnerres et des éclairs furieux. Irascibles. Inconsolables. Rêves qui m’indiquent votre degré d’importance dans ma vie. Vous seriez obligés de mourir pour du beurre par amour de moi. J’ignore si cela en vaut la peine. A vous (et à mon inconscient incontrôlable !) de voir…

… Et c’est la fin de l’article du jour. Je vous souhaite une excellente soirée. Je pars de ce pas à mon cours de danse africaine. Pour faire sortir ce cri qui vient de l’intérieur. Et qui rend désirable… Forcément.

A bientôt les gens,

C.P.A.