Archive pour mort

Numéro 3 (Elle finira par me rattraper)

Posted in Introduisons nous..., Petit trip zerbibien with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on juillet 21, 2010 by cecilezerbib

Bonjour les gens !

Aujourd’hui, pas le temps de vous raconter ma vie. Vraiment pas. Parce qu’il y a évènement dans la maison Zerbib. Non, pas de naissance. Non, pas de mariage. Non, pas d’obtention tardive du baccalauréat. Non. Mardi 20 juillet 2010 est une journée exceptionnelle. Pourquoi ? Pour deux raisons (et non des moindres !) :

Motif n°1 : Parce que c’est mathématique ! Le 20 juillet 2010 donne, si on additionne tous les chiffres : 20+7+2010. Ce qui fait 2037. 2+0+3+7 = 12. Et là, je vois vos grands yeux ébahis ! 1+2 = 3. Formidable ! Génial ! Incroyable ! Le 20 juillet 2010 correspond au chiffre 3. D’après l’arithmomancie (une putain de science exacte !), le 3, c’est tout simplement l’équilibre de l’univers. Sans le 3, impossible de poser une assiette sur un meuble sans qu’elle glisse et se fracasse par terre. Sans le 3, difficile de traverser la cour de récréation à cloche-pied sans glisser et se fracasser par terre. Sans le 3, douloureux d’être un bébé allongé sur une table à langer qui glisse et… se fracasse par terre. Ouais. Hum. Enfin, personnellement, je n’y crois pas. A l’arithmomancie. Déjà parce que je ne parviens pas à le dire à haute voix sans buter et bafouiller comme une imbécile. Aussi parce que je trouve qu’un chiffre en vaut un autre. Si quelqu’un me disait que j’étais un 3, un 7 ou un 1, je serais contente de la même manière. Peut-être parce que je m’en fous éperdument. Je m’en fous avec « transport » (j’aime ce genre d’expression très 19ème siècle. Cela me donne l’impression d’être un personnage d’un roman d’Emile Zola. Evidemment, pas une pauvrette. Une femme qui sait lire, mange chez le préfet avec son ami journaliste et n’a pas de suie sous les ongles… Tant qu’à faire, je préfère l’idée de ne pas me trouver dans Germinal ou dans L’Assommoir… Oui, j’ai des goûts de luxe ! Oui je veux porter des chapeaux à plumes comme au Crazy Horse !)  Parce que j’ai mes propres dogmes. Ils me sont dictés par Geoffrey. Je ne pense pas vous avoir parlé de lui. Je réfléchis. Non, je ne crois pas. Je ne sais pas si je dois le faire. Je ne suis pas sûre que cela lui plaise. Lui qui est tellement discret. Il est contrebassiste. Il ne parle jamais. Il n’aime pas parler. Il faut connaître le langage des cordes pour le comprendre. Il est minuscule et rentre dans une poche. Il s’assoit sur les épaules des gens et joue pendant des heures. Peu l’entendent. Geoffrey est mon ami imaginaire. Et celui de quelques autres qui aiment la musique de chambre.

Motif n°2 : C’est l’anniversaire de la petite sœur !

La toute petite. La toute dernière. Le bébé. Le gros bébé de 25 ans maintenant. 25 ans. Elle finira bien par me rattraper à un moment donné. Moi qui en a un peu plus de 26. Un jour, elle me dépassera. C’est ce que je me disais quand j’étais plus jeune. Beaucoup plus jeune. Vers 6 ou 7 ans. Je me rends compte que j’ai eu l’enfance relativement glauque. Persuadée que j’allais mourir la première. En permanence. La mort comme une obsession qui m’empêchait de dormir. Qui m’ôtait le goût des loisirs et des friandises. Qui me rendait tout insupportable. La simple vue du Panthéon parisien me glaçait le sang (« Tous ces hommes prestigieux » s’exclamait le directeur érudit de mon école primaire… « Tous ces cadavres putréfiés prestigieux » pensais-je en mon for intérieur… Je vous le confirme, j’avais ce genre de vocabulaire à 7 ans. Je faisais peur aux gens, y compris à mes parents…). Elle me nouait tellement le ventre qu’un jour, elle me provoqua une crise d’appendicite aigue. Ce qui me mena tout droit au lieu de villégiature de la « Dame en noir » : l’hôpital. Une semaine d’internat cloué au lit. Les yeux ouverts. Aux aguets. La terrifiante impression qu’elle allait m’emporter à tout moment. Et puis j’ai un peu grandi (pas beaucoup) et je me suis rendue compte que ma sœur ne me rattraperait pas si elle mourrait la première. Cela m’a rassurée pendant un temps. Un temps, seulement. Parce qu’en réalité, une fois ce constat fait, je me suis dit que je préférais finalement mourir avant. Pour ne pas souffrir et ne pas avoir de peine.

Pourquoi je vous dis ça moi ?… Ah oui ! C’est l’anniversaire de ma sœur ! Je lui ai fait de nombreux cadeaux. Majoritairement sots et inutiles. Histoire de changer de ceux qui font plaisir et élèvent l’esprit. J’ai fait des petits paquets ravissants. De toutes les couleurs. Bien pliés. Comme dans les vitrines de Noël des Grands Magasins. Les Grands Magasins sur les Grands Boulevards. Avec des nœuds qui bouclent comme des cheveux d’enfant zerbib sépharade de 4 ans. Avec des paillettes d’or qui collent aux mains.

Et surtout, avec un petit mot dessus. Ceux qui me connaissent et ont eu droit à un cadeau de ma part (je sais qu’il y en a quelques uns parmi vous… Démasquez vous bande de petits sauvageons !) savent fort bien que j’accorde à l’exercice du vœu d’anniversaire une plus grande importance qu’à celui du présent. Car le cadeau n’est qu’un support. Une enveloppe portant le message que vous allez faire passer.  Seul le vœu dit à son destinataire ce que vous pensez profondément de lui. Que vous le trouvez intelligent (cadeau associé : un livre que vous adorez et que vous faites partager à tout ceux qui vous semble capable de le comprendre). Que vous le trouvez beau (cadeau associé : généralement des accessoires poussant la joliesse de la dite personne à son paroxysme). Que vous le trouvez à votre goût (cadeau associé : 2 places pour n’importe quoi. Si la personne en question a quelques grammes de politesse en elle, elle vous amènera avec elle… Ou elle choisira une bonne copine à vous qui lui a tapé dans l’œil. Ça peut arriver aux meilleurs. Pas à moi. Parce que je ne suis pas parmi les meilleurs. J’entretiens une certaine médiocrité dans les « relations amoureuses » afin de n’être déçue de personne. Et ça marche. Je ne crois pas que je doive me réjouir de ce fait. Bizarrement…). Que vous ne pouvez pas le supporter et que vous vous êtes senti obliger de lui faire un cadeau (cadeau associé : la première chose qui vous tombe sous la main. Un présent pourri offert à votre précédent anniversaire. Une plante. Des bougies parfumées à l’anis. Des fleurs du métro. Une boîte de chocolats Mon chéri aux cœurs de cerises non dénoyautées. Un coupe papier. Un petit jardin japonais. Des conneries sans queue ni tête…).

Et mine de rien, l’écriture de ce mot, généralement jeté aux oubliettes ou entassé dans une pile de papiers administratifs, prend du temps. Le choix des verbes. Des adjectifs. De la ponctuation. Un vœu est une composition florale dont on essaie qu’elle soit de bon goût. Légère. Délicate. Raffinée. Et je n’ai toujours pas fini celui de ma sœur. Parce que je la vois tout le temps. Et que tout ce que je pourrais lui écrire me semblerait banal, creux et ennuyeux. Donc j’hésite. Donc je rature. Donc je recommence. Le front brillant de sueur. Sueur d’effort. Sueur de canicule. Sueur de peau grasse à problème acnéique. Et en restant avec vous, je perds davantage de temps. La page de papier blanc reste brillante. Comme de la neige. Je lui souhaite un prince charmant. Des idées merveilleuses à écrire dans ces multiples carnets (oui elle aussi écrit des choses… des choses intelligentes et pleines de réflexions pertinentes sur les doubles lectures. L’art florentin. Henri IV. La décolonisation et Arundhati Roy… C’est sur que cela vole plus haut que des histoires de vomi, de vendeur de tartes ou de voyage à Deauville…). D’agréables odeurs de pelouse fraîchement coupée. Du vent de la mer fouettant son visage. Du sable du désert dans ses chaussures. Des affrontements de regard avec le soleil indomptable. De la joie. Des toiles de De Vinci et du Caravage. Et j’efface tout. Ce n’est pas ça. Ce n’est pas ça que je veux dire. C’est un peu évident de jeter de la poudre magique de bonheur sur sa petite sœur. C’est insuffisant. C’est impersonnel. Je veux lui faire la courte échelle. Lui mettre un trampoline sous les pieds pour qu’elle vole plus haut qu’elle n’aurait jamais pu l’imaginer. Lui installer un moteur sur son vélo pour qu’elle roule plus vite vers là où elle aspirerait aller. Je veux la pousser, la tirer, la propulser, l’envoyer au seuil de la porte de sa vie rêvée. Mais je ne sais pas comment faire ça. Je ne suis pas forte à ce point-là. Je suis juste la grande sœur. Pas beaucoup plus grande. Mais plus grande quand même. Par la force des choses. Par la force du hasard et de cet accident monumental qu’est l’existence… Oh la la ! Je viens de me relire. J’ai du perdre l’esprit. Il y a nécessité absolue que je redescende de mon perchoir pendant quelques minutes.

La page est toujours blanche. Je prends mon stylo noir. A plume d’oie. Très La Fontaine en fin de carrière. Et je n’écris que cela. Je ne sais pas si c’est bien. Mais disons que c’est peut être ce que j’ai trouvé de plus pertinent…

Joyeux anniversaire petite trainée ! (l’insulte change tous les ans. Il faut savoir varier les plaisirs.) 23 ans. 24 ans. Et 25 ans à présent. Si ça continue, tu vas vraiment finir par me rattraper…

Et… Voilà. Je vais partir. Je vais aller donner mon cadeau. Mes cadeaux ridicules et sans importance. Mon mot bizarre et incompréhensible pour qui n’est pas dans ma tête (et ne lit pas mon blog !). Je vous souhaite une excellente soirée pleine d’étoiles et de chaleur. Ainsi qu’un gros ventilateur de film américain.

Avant de vous quitter, une petite annonce : la semaine prochaine, je publierai mon dernier article avant la rentrée de septembre. Je vais donc tenter de l’écrire correctement. Avec des phrases pleines de mots inspirés, caressant l’intelligence et la qualité française.

Je vous serre bien fort dans mes bras. Un peu comme un câlin. Parce que c’est le genre de pratique de tarlouze qui rend désirable (dixit Simone, ma voisine de derrière la cloison).

A bientôt les gens ! A mercredi prochain pour de nouvelles aventures !

C.P.A.

La fabrication de rêves artisanaux

Posted in Petit trip zerbibien with tags , , , , , , , , , on février 24, 2010 by cecilezerbib

Bonjour les gens !

Aujourd’hui, mercredi. Jour des enfants. Jour du défilé de la nouvelle collection hebdomadaire cinématographique. Jour numéro 3. Jour Médaille de Bronze. Jour du dernier temps de la valse. Jour de la fameuse « bascule » des travailleurs. La « bascule » est une bien chouette expression dans la mesure où elle fait du mercredi le point médian de la semaine. En image, voilà ce que cela donne :

Lundi serait symbolisé par le petit Boucle d’Or à grosses fesses, de dos. Vendredi serait la petite blondinette de face. Blondinette à bandeau. Pas toujours à bandeau. Parfois à couettes. A tresses. A queue de cheval. A demi-queue. A cheveux lisses. A cheveux blonds blancs à la lumière du soleil d’été. Blondinette répondant à un prénom de blondinette. A un prénom de princesse.  Princesse à robe rose. Princesse à diadème en plastique. Elodie. Marie. Annabelle. Blondinette à visage fin et régulier de future Miss France destituée. Destituée car le vieil abat-jour noir et blanc n’apprécierait sûrement pas d’apprendre que les premiers pas sur scène de sa protégée n’ont pas été faits lors de représentations scolaires déguisée en ours polaire mais sur le podium boule à facettes du Stringfellows et d’autres « charmants » clubs de la Capitale. Entre Boucle d’Or et Miss Pole dance, une armature verte. Plante de métal qui permet le balancement frénétique. L’amusement. La joie. Et éventuellement, le mal de mer. Le retournement d’estomac. Le passage des visages du blanc au vert en passant par le bleu et le violet. La flaque de vomi. Armature verte centrale. Auteur de l’équilibre comme du déséquilibre. A l’origine de la bascule. Indiquant le début de semaine. Ou la fin. Armature verte comme un mercredi.

… Tout ça pour dire que nous sommes mercredi et que pour atteindre la copine de Pigalle, il va falloir patienter un petit peu. Quelques années. L’idée étant que vendredi ait au moins 18 ans. Question de principe. De sens moral. Et de volonté de ne pas être poursuivi pour détournement de mineur. Mais cela n’est pas notre sujet du jour. D-ieu merci.

Mercredi est un excellent jour pour vous parler de mon rêve récurrent. Ou plus précisément de vous expliquer comment il l’est devenu. Une histoire révélant une fois de plus que mon goût pour la blague de mauvais goût peut me jouer des tours. Comme lorsque j’ai fait croire à un de mes anciens patrons que j’avais été conviée à une soirée où l’héroïne coulait à flot. Enfin, pas exactement. Contexte. Mon patron voulait que l’équipe déjeune ensemble une fois par mois. Ce « moment » devant nous permettre de « créer des liens » et de « devenir une famille ». Très bonne définition de ce repas. Repas de famille. Repas avec des gens  qu’on ne choisit pas mais qu’on est obligé de supporter envers et contre tout. Bref. Volonté « corporate » du patronat auquel je plie. Tout le monde parle. Tout le monde discute. Tout le monde donne son opinion. Sur tout. Sur rien. Sur la politique. Sur le cinéma. Sur la meilleure manière de travailler. Sur l’organisation de la société. Sur les loisirs. Sur les détentes. Sur les soirées. Sur l’alcool. Sur la drogue. Dernier sujet sur lequel ils semblent être intarissables. Cocaïne. Opium. Absinthe. Cannabis. Ils ont tout essayé. De vrais kamikazes de la vie. Leurs propos me semblant complètement surréalistes, j’imagine qu’ils plaisantent. Je décide donc de me mêler à leur délire. En exagérant. Pour rire. Je raconte donc une soirée à laquelle j’ai assisté et durant laquelle les seaux à champagne étaient remplis d’héroïne à aspirer à l’aide de grandes seringues offertes à l’entrée avec la consommation. Et là, le choc : tout le monde me croit. Me regarde avec un regard inquiet. Se disant probablement que je reviens de loin. Hoche la tête en n’osant pas m’interroger sur l’enfer de la désintoxication à la plus terrible des drogues. Moi héroïne triomphant de l’héroïne. Je comprends avec 10 minutes de retard que leurs récits à eux étaient vrais. J’ai honte. Mon ex-patron ne m’a plus jamais regardé avec les mêmes yeux. D’où « ex » patron peut-être. Je ne sais pas.

Mais revenons au rêve récurrent en question. Encore une fois, c’est ridicule. Nouveau contexte. Appartement parisien. Superbe. Sentant le luxe et le 7000€ de loyer par mois. Soirée avec quelques amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis accompagnés d’amis… Tant et si bien que les derniers amis accompagnant les amis des amis des amis des amis des amis des amis des amis des amis étaient des amis à moi. Réseau social comme un cercle au diamètre extensible à l’infini. Comme un collant. Un élastique. Un ballon offert par Ronald Mac Donald. Dans ce flot opaque et dense d’amitié, un jeune homme que je connais bien. Un jeune homme esthétiquement intéressant. Joli. Qui sait doser la quantité de parfum à porter. Ce qui est très rare. Jeune homme qui serait probablement assorti à tous les trucs de ma petite vie personnelle. Assorti à moi. Comme le rouge avec le noir. Le noir avec le blanc. Le blanc avec le rose. Le rose avec le… Je ne sais pas. Une couleur qui irait bien avec le rose. Peu importe. Disons, pour résumer, que j’en aurais bien fait l’acquisition. Du jeune homme. En tout cas, à l’époque. Reprenons. Le jeune homme était au loin et me saluait dans un grand sourire. Comme je suis une imbécile, j’en fais autant. Et ne bouge pas. Une personne normale en aurait profité pour s’approcher et tenter « quelque chose ». Moi non. Trop peur que ça fonctionne. Pour être sûre que cela n’arrive pas, je ne fais rien. En apparence. Par contre, je réalise de petites translations jusqu’à la personne visée. Personne visée qu’on se plaît désormais à appeler « cible » ou « target » pour les anglophones. Ou pour ceux qui veulent avoir l’air anglophone. Cela peut prendre des heures. Des heures. Car les translations sont minuscules. Parfois même je ne parviens pas à atteindre le but. Ce jour-là, j’ai eu de la « chance ». Le garçon devait probablement s’ennuyer avec ses amis. Amis qui quant à eux n’étaient pas les miens. Bien qu’ils puissent le devenir. Ne sait-on jamais. Il quitte leur compagnie et marche vers moi. Au ralenti. Le cheveu aéré qui flotte dans les airs. Le regard balayant l’espace avec assurance. Le sourire qui fait faner les filles sur son passage. Moi, comme je suis fortement embarrassée, je fais celle qui n’a pas vu qu’il venait. Et me jette sur la première grappe de personnes qui me tombent sous la main. Des amis d’amis. Des « vus de loin ». Résultat : je suis encore plus embêtée. Parce que passée le traditionnel « Salut, ça va ? », je n’avais plus rien à dire. Rien. Et l’autre qui arrive à 2 mètres à l’heure. Que j’attends avec impatience. En essayant d’en avoir le moins l’air. Compliqué tout ça… Au bout de ce qui me semble être une bonne demi-heure, il arrive à bon port (c’est moi le bon port…). Sans se presser. Avec une nonchalance qui se veut naturelle. Mais qui ne l’est pas. Je sais ce qu’est la nonchalance car je suis née comme ça. C’est comme si vous tentiez de vous faire passer pour un indien en vous mettant des plumes dans les cheveux. Bonjour. Salut. Ça va. Et toi. Qu’est ce que tu racontes. Ben rien de spécial. Et toi. Ben ça va… Bla. Bla. Bla. Très intéressant. Puis finalement, au bout de quelques heures, relâchement. Généralement sur un canapé. Ou sur un balcon. Tout dépend de la saison. Là, c’était sur un canapé car hiver venteux. Jeune homme et moi. Discussions. Blagues. Plaisanteries. Sourires entendus. Un verre. Deux verres. Trois. Quatre. Et ainsi de suite. Nos deux têtes qui tournent un peu. Un manque d’habitude évident de part et d’autre. Tant mieux. Rapprochement. Rires. Les affaires vont bon train. Sauf que. Oui, sauf que. Votre serviteur est bizarre. Elle a une tendance à avoir une attitude suspecte lors des « premiers contacts » avec les « XY ». Et par conséquent, à laisser sortir de sa bouche tout ce qui a envie d’en sortir. Des conneries. Beaucoup. Enormément de conneries. Des 35 tonnes de conneries. De la connerie comme s’il en pleuvait. Exemple concret ? Pendant que le garçon au dosage de parfum parfait me racontait des anecdotes vacancières (dans lesquelles je ne me trouvais pas… Ce qui revient à regarder les photographies d’un mariage auquel vous n’avez pas été invité. Aucun intérêt…), je me disais plusieurs choses :

1/ « Il serait beaucoup plus attractif avec une barbe de trois jours »… Vu de près, le garçon a la peau lisse qui brille. Ancien boutonneux probablement. Un côté Ken. Sauf que moi, je ne suis pas Barbie.

2 / Pourquoi j’arrive à anticiper tout ce qu’il me raconte ? Est-ce que je suis vraiment surpuissante ? Est-ce qu’il est vraiment super inintéressant et prévisible ? J’étais assaillie par un insupportable sentiment de « déjà-vu ». La conversation. Le lieu. Notre légère et commune ivresse. Tout. Tout avait déjà été vécu une fois. Deux fois. Peut-être plus… Et je décide de lui dire. Voilà ce que ça a donné :

Moi : Bizarre… J’ai l’impression qu’on a déjà eu cette conversation…

Lui : Ben non. On ne s’est jamais parlé autant.

Moi : Je veux dire que j’ai une impression de déjà-vu.

Lui : Ah. Ça va veut dire que tu t’ennuies ?

Moi (penchant la tête de côté… Pas bête. Il a peut-être raison, je dois m’ennuyer un peu) : Non pas du tout… Mais ça ne t’est jamais arrivé d’avoir l’impression d’avoir déjà vécu une conversation. Un moment. Je ne sais pas. Des trucs.

Lui : non.

Moi : Ah.

Lui : C’est comme quand on se souvient d’un rêve ?

Moi (je suis sciée, je ne pensais pas qu’à presque 30 ans quelqu’un ne sache pas ce qu’est un « déjà vu »… C’est comme d’ignorer l’existence de la baignoire ou le mode d’emploi d’une brosse à dents!) : Euh… Je ne sais pas.

Lui (qui, définitivement bourré, s’avère être un type très lourd. Et moi je n’aime pas trop ça les types très lourds) : Alors ça fait quoi ?

Moi (sentant une enclume se poser sur mon front et un marteau le pilonner au rythme de chaque seconde égoutté) : Ouais c’est comme un rêve.

Lui (avec un regard de dragueur de drive-in des années 60 qui est à deux doigts de me faire hurler de rire. Ou d’agacement. J’oscille entre les deux…) : Alors, en gros, t’as rêvé de moi.

Moi (pour me débarrasser… Oh mon D-ieu, l’erreur… NE JAMAIS DIRE A PERSONNE QU’ON REVE D’ELLE. JAMAIS !) : Voilà.

Je pose mon sourire par défaut sur la table basse pour clore la conversation. Le sourire par défaut est celui qu’on  utilise sur les photographies de documents officiels ou de famille. Sourire bouche entrouverte. On doit y voir les dents. Mais pas trop. Sourire par défaut s’acquérant avec l’exercice. Et avec les ans. J’ai personnellement acquis le mien en 2008. Je le sais car c’est à partir de là que j’ai commencé à avoir la même expression faciale sur toutes les photographies. Sourire par défaut comme un tic. Comme un automatisme. Comme l’appui du « on » sur la cafetière à peine réveillée. Comme la fermeture de la porte de la maison avec le rituel de la vérification en appuyant fortement sur la poignée. Pour vérifier. Dans le doute. Sourire par défaut. Sourire par habitude.

Le jeune homme se tourne vers la grappe de jeunes gens installés derrière nous. Des amis communs qui faisaient semblant de ne pas nous écouter parler. Il leur signale que j’ai rêvé de lui. Ce à quoi il rajoute un clin d’œil salace. Mon sourire par défaut est accentué. Commence à ressembler à une grimace. Espère lui faire comprendre d’arrêter d’insister. Mais non. Il continue. Et prend le groupe de nuisibles à témoin.

La question qui tue : Et il se passait quoi exactement dans ton rêve ?… La question qui est probablement sensée me faire rougir.  Un regard par en dessous plein de sous-entendus. Etcetera. Etcetera. Tentative d’embarras. Devant public qui plus est. On voit bien qu’il ignore que le show est ma partie. Je vais en faire des copeaux. Oui, je suis revancharde. Et ce n’est même pas mon pire défaut. A cette question idiote, j’ai deux solutions qui s’offrent à moi :

1/ Je rentre dans son jeu et déballe des détails bien crades. Pas mon option préférée. Car trop attendue. Relevant d’une provocation prouvant que vous êtes prête à mettre le couvert (ou à passer à la casserole… Ou au four… A votre convenance !) après le duel. Pas mon cas. La lourdeur du garçon me pesant comme l’ingestion d’un tiramisu maison après une pizza 5 fromages.

2/ L’attaque surprise. Celle que la personne ne peut pas voir arriver. Option qui nécessite d’avoir un certain sens de l’imagination mais surtout (et c’est le principal) de l’improvisation. Heureusement pour moi, j’ai été à bonne école et peux inventer tout et n’importe quoi en quelques secondes. La preuve :

Moi : Ben en fait, dans mon rêve on ne faisait rien.

Lui (avec un haussement de sourcils dédaigneux. Se voulant très séducteur à borsalino. Raté !) : Evidemment…

Moi : Ce n’était pas une question d’envie.

Lui : ?

Moi : Le problème c’est que dans mon rêve… T’étais mort.

(5 secondes de blanc. Très peu de gens supportent les longs silences laborieux. Moi j’aime bien. Je ne le lâche pas du regard. Il est comme un gnou dans la mâchoire d’un lion. Nota Bene : cet article est écrit au rythme d’un documentaire de la chaîne « Animaux ». Ceci explique la métaphore…)

Lui : Oh… Mais euh… J’étais mort comment ? (Voilà qu’il me prend pour un médium cet imbécile heureux)

Moi : Aucune idée. T’étais déjà en boîte.

(Je ne pensais pas qu’un jour la prononciation du mot « boîte » provoquerait une telle réaction chimique chez une personne… Le jeune homme se dégonflait sur le canapé comme un vieux matelas pneumatique de randonneur)

Lui : Dans la boîte… Et t’étais à mon enterrement ?

Moi : Oui j’étais la seule. Personne n’était venu. J’ai même appelé ta mère qui ne voulait pas venir car elle avait trop de travail.

(D’accord, je reconnais que la dernière phrase fait de moi une merde humaine. J’ai honte. Je mérite l’enfer. Ou de suivre un an d’une tournée de Lorie. Au choix. L’enfer ?)


… Bref. Les amis curieux sont retournés à leurs conversations. Le jeune homme m’a fui. L’œil torve et inquiet. Tout le reste de la soirée, j’ai marché le pas triomphant. J’ignorais encore que cette méchante farce de peste allait me suivre jusqu’à présent. Jusqu’à maintenant. Le rêve de l’enterrement est devenu mon rêve récurrent. A la moindre rencontre, le jour même, le rêve. Vous tous, les amis, y avez séjourné quelques minutes. Dans la fameuse boîte. Moi appelant vos mères trop occupées à travailler, faire de la couture, amener les enfants à l’école, finir une partie de scrabble, coincées par une grève de RER, etc. (oui ! Vous ne pouvez pas imaginer les excuses pourries de vos mamans !!). Moi regardant vos noms gravés en or dans une dalle de marbre. Entre deux chênes. Toujours le même cimetière. Celui de Bagneux. Où le Zerbib Sépharades est fort bien représenté. Toujours le même vent sifflant « Oh When the saints » dans les branches. Toujours le même rituel de fin : je me lave les mains à la fontaine. A la pompe verte à poignée rotative dorée. Eau à portée du plus énergique coup de manivelle. Eau explosant en geyser et imbibant mes baskets de toile rouge. S’infiltrant insidieusement  dans mes chaussettes. Mes mains lavées à l’eau froide pour sortir du cimetière. Du rêve. De ce monde sans vous. Rêve que j’ai écrit consciente. Rêve que j’ai fabriqué pour serrer le cœur d’un maladroit à moitié saoul. Rêve que j’ai bâti hâtivement comme un château de sable qui se serait avéré plus solide que prévu. Rêve qui existait sûrement depuis longtemps dans ma tête. Flottant comme un nuage. Nuage dans lequel j’aurais fait exploser des tonnerres et des éclairs furieux. Irascibles. Inconsolables. Rêves qui m’indiquent votre degré d’importance dans ma vie. Vous seriez obligés de mourir pour du beurre par amour de moi. J’ignore si cela en vaut la peine. A vous (et à mon inconscient incontrôlable !) de voir…

… Et c’est la fin de l’article du jour. Je vous souhaite une excellente soirée. Je pars de ce pas à mon cours de danse africaine. Pour faire sortir ce cri qui vient de l’intérieur. Et qui rend désirable… Forcément.

A bientôt les gens,

C.P.A.